vendredi 9 janvier 2015

Bonatti/Vaucher en face nord des Grandes Jorasses

Comme prévu, avec le mauvais temps de l'été, les conditions de mixtes dans la face nord des Jorasses ont été exceptionnelles! Malgré une très grande fréquentation, beaucoup de très belles "croix" ont pu être réalisées.
Repartir en montagne pour une course comme ça, à la suite d'une saison bien remplie, est bien difficile mais tellement bon... 

Voici un petit texte écrit à mon retour de cet ascension...


En ce mois de septembre 2014, après un été plutôt mitigé en terme de condition météo, La face nord des Grandes Jorasses est en condition… 

La face nord des grandes Jorasses


Tout le monde le pressentait, mais là c’est sur, après les quelques cordées qui ont ouvert le bal, fin aout, une véritable euphorie gagne les alpinistes. 

On peut légitimement se demander comment et pourquoi, au cours de ces quelques journées, des dizaines de cordées défilent dans ces itinéraires, normalement austères et sauvages? 

Un cocktail entre le niveau technique des pratiquants qui augmente un peu, le matériel qui fait des progrès énormes, tant en légèreté qu’en efficacité, et une diffusion des informations qui explose grâce à internet et autre Facebook me semblent être les raisons de cette sur-fréquentation de la montagne dans ce temple de la difficulté en alpinisme. 

Les problèmes qui se posent alors sont nombreux et complexes : s’engager dans une ligne de glace ou de mixte sous une dizaine de cordées reste dangereux, avec le risque de se prendre de la glace ou des pierres, voir même un grimpeur, sur la tête, sans compter l’attente et les embouteillages au relais. Le monde, même s’il est rassurant, peut aussi se transformer en une sorte de pression sociale, parfois négative. Pour preuve, je n’ai jamais autant vu d’alpinistes évoluant décordés sur des glaciers qui sont réellement impressionnants et dangereux!

Aussi paradoxal soit-il, on se retrouve parfois très loin des sentiments et des raisons qui nous ont poussé à venir grimper dans cette face….

C’est donc la question que je me pose, en ce vendredi soir, allongé dans mon duvet, au pied de la rimaye de cette incroyable montagne. Cependant, impossible de trop râler, j’y suis, ici, au pied de cette face!!! 


Je fait moi-même partie de cette horde de grimpeur, venu vivre une belle aventure alpine. Je me dit seulement que c’est un peu trop pour moi, que je vais surement satisfaire mon ego de grimpeur mais que mon besoin d’aventure, d'originalité et de solitude va en prendre un coup…

Enfin bref, trêve de réflexion, 2h30, nous attaquons à grimper. Heureusement, je suis avec mon ami Pierre Labbre, gage de bonne humeur et d’efficacité, et notre projet est la très belle voie Bonatti/Vaucher dans la pointe Whymper.



Nous choisissons d’attaquer par les placages de "No Siesta ». Cela se révèle être une mauvaise option car finalement ils ne sont pas grimpables en l’état, et cela nous oblige à faire un belle longueur de dry. 







Nous retrouvons ensuite les traces de nos prédécesseurs et nous progressons rapidement dans les belles longueurs de mixtes qui défilent. un peu de pente de neige, un peu de placage, un zeste de rocher et de dry, c’est une escalade géniale et ludique! Grimper dans ce terrain avec les "coyotes" et les "monocéros" est un véritable régal! Effectivement, on peut dire que les conditions sont démentes… Nous nous retrouvons donc assez rapidement au pied des longueurs finales , qui semblent les plus compliquées. 



Apres 4 longueurs, délicates et surtout bien difficiles à protéger (on se croirait presque dans les Ecrins!), nous débouchons dans la dernière goulotte qui se termine miraculeusement par une courte cascade verticale qui nous amène sur l’arête et un peu plus loin au sommet. Il est 14h, il fait grand beau, nous profitons de ces moments qui, finalement ne sont pas si nombreux dans une vie d’alpiniste. 





Il nous reste cependant une longue descente pour savourer pleinement cette ascension et relâcher notre concentration. C’est chose faite à 19h30 précise, lorsque nous penetrons dans le restaurant de Planpincieux et que nous commandons cette première bière à la saveur si particulière…

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